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Demande de réintégration d’un locataire expulsé irrégulièrement : impossibilité absolue de réintégration en cas de relocation à un tiers, même en cas d’allégation d’un trouble manifestement illicite

Civil - Immobilier
20/12/2019

► Dans le cadre d’une demande de réintégration d’un locataire expulsé, après annulation de la procédure d’expulsion par un jugement devenu irrévocable et ayant ordonné la réintégration, la relocation du logement à un tiers emporte impossibilité de toute réintégration ; est dès lors inopérante, sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile, l’allégation d’un trouble manifestement illicite caractérisé par la relocation à de nouveaux locataires en violation des droits du locataire expulsé.

Telle est la solution qui se dégage d’un arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 12 décembre 2019, n° 18-22.410, FS-P+B+I ; déjà en ce sens de l’impossibilité de faire droit à une demande de réintégration, sur le fondement de l’article 1142 du Code civil, dans sa version alors applicable, en cas de location du logement à un tiers : Cass. civ. 3, 26 mars 2013, n° 12-14.731, F-D).

En l’espèce, le 20 mai 2010, un office public de HLM, propriétaire d’un appartement donné à bail à M. et Mme  S., avait, en exécution d’une ordonnance de référé ayant constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion, fait procéder à l’expulsion des occupants du logement ; un arrêt du 26 mars 2014 avait prononcé la nullité de la procédure d’expulsion et ordonné la réintégration dans les lieux de M. S. ; n’ayant pas été réintégré dans le logement, ce dernier avait assigné en référé la société HLM, ainsi que les nouveaux locataires de ce logement, afin de voir ordonner leur expulsion et sa réintégration ; le logement ayant été donné à bail en 2017 à de nouveaux locataires, il les avait assignés aux mêmes fins.

Pour condamner la société d’HLM à faire libérer le logement occupé par les locataires actuels en vue de permettre la réintégration dans les lieux du locataire expulsé, la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 5 juillet 2018, n° 17/06305) avait retenu que l’arrêt rendu le 26 mars 2014 était devenu irrévocable, que le trouble illicite était donc manifestement caractérisé par la location en 2017 par le bailleur à de nouveaux locataires du logement litigieux, en violation des droits du locataire expulsé et de son épouse, et par le maintien des locataires dans les lieux, sans que soit alléguée et a fortiori établie l’existence d’une cause étrangère revêtant le caractère de la force majeure qui s’opposerait à la réintégration des intéressés, la société d’HLM étant tenue d’exécuter l’arrêt du 26 mars 2014 et ayant eu tout loisir, au terme de la location consentie aux locataires suivants, de ne pas relouer l’appartement en question.

A tort, selon la Cour suprême, qui censure la décision des juges versaillais au visa de l’article 809 du Code de procédure civile, leur reprochant de ne pas avoir tiré les conséquences légales de leurs propres constatations relatives à l’impossibilité de procéder à la réintégration du locataire, alors qu’ils avaient relevé que le logement était loué à un tiers.

 

Anne-Lise Lonné-Clément

Source : Actualités du droit